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mercredi 17 février 2021

La Maison Thermopyles, une pension de famille pour les sans-abri

 

La Maison Thermopyles, une pension de famille pour les sans-abri

Reportage

 

Pour loger plus de sans-abri, l’État mise sur les pensions de famille, qui permettent de bénéficier à la fois d’un logement privatif et d’activités et d’espaces communs. Une semaine de portes ouvertes a été organisée pour faire mieux connaître ce dispositif.

  • Nathalie Birchem
  • le 07/10/2021 à 07:08 

Lecture en 3 min.

La Maison Thermopyles, une pension de famille pour les sans-abri

Pendant une quinzaine d’années, Sreto, ancien légionnaire, a été sans domicile. « Je vivais en bord de Seine, on m’avait prêté un local, raconte ce sexagénaire avec un fort accent croate. Je ne voulais pas aller en centre d’hébergement ou en hôtel, il y a plein de problèmes, il n’y a aucune aide et au bout de quelques jours, ils vous disent de repartir. » Alors quand, en 2015, on lui propose un studio dans la pension de famille des Thermopyles, dans le 14arrondissement parisien, il accepte tout de suite. « C’est un logement mais ce n’est pas qu’un logement, c’est un lieu ouvert », explique-t-il.

À la Maison des Thermopyles, Sreto dispose effectivement, à la différence de la plupart des hébergements pour sans-domicile, d’un logement complètement autonome, avec une salle de bains et une petite cuisine, dans lequel, autre caractéristique majeure, il peut rester toute sa vie s’il le souhaite. Pour ce studio meublé de 20 m2, il paie, allocation logement déduite, une redevance d’un peu moins de 250 € par mois, qui couvre à la fois son loyer mais aussi l’électricité, le chauffage, l’Internet et l’assurance. Un prix appréciable pour des locataires très précaires qui ne touchent souvent qu’un RSA, une pension d’invalidité ou une toute petite retraite, rendu possible par un forfait journalier de 18 € par résident, financé par l’État.

Mais le caractère durable de la solution de logement n’est pas la seule particularité de ce dispositif. « On a l’habitude de dire que dans les pensions de famille, on est chez soi mais pas tout seul », résume Charles Mussote, l’un des deux salariés « hôtes » chargés d’animer la vie de la maison. En plus de leur appartement, les vingt résidents, dont trois couples, disposent en commun d’une grande cuisine salle de séjour où ils peuvent se retrouver pour des repas de fête ou des réunions, d’un salon où lire, regarder la télé, et même faire du vélo elliptique, et d’une laverie

« Il n’y a rien d’obligatoire, mais on peut aussi faire tout un tas d’activités en commun », raconte Daisy, 61 ans, qui a emménagé aux Thermopyles quasiment à l’ouverture en 2012. Cette peintre amateur a déjà fréquenté l’atelier soin des mains, la séance de yoga « Do-In », ou l’après-midi cinéma sur les films d’horreur…

Les résidents participent aussi au choix de l’architecte retenu pour aménager cinq nouveaux logements. « La création de notre maison de famille a été portée par une association de riverains Urbanisme et Démocratie, et nous continuons à être gérés par une association qui en est l’émanation, ce qui fait qu’on est très ancré dans le quartier », précise Charles Mussote.

Si la moitié des résidents environ préfèrent ne pas profiter de cette convivialité, « les espaces communs font quand même que des liens se créent », estime-t-il. « Pour moi qui n’ai pas de famille, c’est précieux, reprend Daisy. Quand j’ai été hospitalisée, on est venu me voir et on peut m’accompagner quand il faut que je prenne les transports en commun. »

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« Il faut construire beaucoup plus de pensions de famille »

Arnaud de Broca, délégué général de l’Union nationale du logement accompagné (Unafo)

« Quand le gouvernement a lancé le plan Logement d’Abord [pour loger plus de sans-abri], il s’est donné un objectif de créer 10 000 places en pensions de famille entre 2017 et 2022. On était à peu près à 5 700 l’année dernière, et même si d’autres vont voir le jour d’ici à la fin du mandat, on reste loin de nos objectifs. Il faut en construire beaucoup plus, d’autant que c’est un logement durable dans lesquels les résidents restent parfois jusqu’à leur décès. Le principal frein reste les réticences des élus. Or, ce sont des petites structures avec un accompagnement renforcé, qui posent en réalité peu de problèmes. »




C’est sur la place Fréhel, rue de Belleville, dans le XXème arrondissement de Paris que se dresse une structure étonnante installée à la place de la terrasse du cabaret populaire « Culture rapide ». Pilote le Hot, artiste et gérant du lieu – qui a dû fermer en raison du reconfinement –  est à la tête de la distribution quotidienne de trois cents soupes, boissons chaudes et viennoiseries.

Cet habitué du quartier dirige également l’association « Slam productions » qui participe chaque année à la coupe du monde de Slam et de poésie. Dans cette période de crise, il aime à penser que le rôle des artistes et des créatifs est aussi , pour celles et ceux qui le peuvent, de venir en aide aux personnes qui en ont besoin.

Une initiative solidaire spontanée qui permet de remettre du lien dans ce quartier du XXème arrondissement de Paris.

Une initiative solidaire spontanée, menée par Pilote le Hot, qui permet de remettre du lien dans ce quartier du XXème arrondissement de Paris.

Des « invités » à la place des clients

C’est dans cette perspective qu’il a mis en place ces soupes « sur le modèle économique du don et du partage », autrement dit il a choisi d’oublier pour un temps la rentabilité, et de troquer les habituels clients pour des « invités ». Chaque demi-journée, cinq à six bénévoles viennent tenir ce « marché de Noël » gratuit, et installent le matériel de cuisine acheté chez Métro, par l’organisateur lui-même. Séduite par son projet, l’enseigne de vente en gros lui a par ailleurs offert une centaine d’euros d’ustensiles.

Il faut dire que l’énergie du protagoniste est communicative, et il n’a pas mis longtemps à trouver des partenaires chez des commerçants du quartier pour alimenter ses soupes. Le Franprix, la Biocoop et une boulangerie voisine lui délivrent ainsi chaque jour leurs invendus. Du côté des pouvoirs publics, aucune aide n’a été apportée pour le moment, exceptée une visite de la mairie d’arrondissement deux jours après le début de la distribution pour annoncer qu’ils se chargeraient des formalités en préfecture.

Des nouveaux bénévoles au rendez-vous

En cette matinée froide de décembre, ils sont cinq volontaires à arriver, préalablement inscrits en ligne pour faciliter l’organisation. Félix, habituellement employé du restaurant, est également présent et solidaire, avouant volontiers « le côté altruiste et le côté
égoïste »
 de la démarche, qui permet aussi de garder une activité plutôt que de rester enfermé.

Les bénévoles du jour ont un profil similaire, tous ont moins de 35 ans et souhaitaient se rendre utile après avoir vu leur activité professionnelle diminuer. Un point commun les rassemble : ils n’ont pas ou très peu d’expérience associative préalable. La crise du Covid-19 a donc aussi réveillé le goût du partage chez de nombreux jeunes, une génération qui semble aussi désemparée que prête à construire une société plus solidaire.

Dès 10h30, la mise en place peut s’effectuer. Le responsable rayon fruits et légumes de la Biocoop, Gabriel, qui apporte chaque jour les invendus du magasin, vient prendre des nouvelles et demander le menu du jour. Il confie avoir déjà essayé de travailler avec plusieurs associations, mais en vain, à cause d’exigences trop difficiles à tenir, comme celle de constituer des paniers. Là, il amène simplement chaque jour ses invendus, et la soupe peut s’improviser.

Un pansement local sur une crise globale

À 11h45, certains invités commencent à arriver, dont Véronique, intermittente du spectacle et habitante de Ménilmontant. Elle emprunte un petit couloir de plein-air bricolé, où est indiqué un sens de circulation, pour arriver à l’entrée où un premier bénévole l’accueille, saluant chacun et dispensant gel hydroalcoolique au passage. En attendant que la distribution commence, certains vont jeter un oeil au portant installé sur la place, le vestiaire partagé, où sont proposés des vêtements que chacun peut venir donner.

Puis enfin peuvent affluer, plus ou moins nombreux selon les heures, ceux qui viennent chercher un bol de soupe, « chaud » tient à souligner Pilote, qui regrette qu’il n’existe encore trop peu d’initiatives permettant de délivrer des repas chauds.

Les profils sont divers : se succèdent les « enfermés dehors », les personnes sans-abris du quartier qui s’installent quelques mètres plus loin avant de revenir chercher un café, et ceux qui ont encore un toit sur la tête, mais qui ne peuvent pas passer devant l’opportunité d’un repas gratuit. Comme cette femme, habitant à une dizaine de minutes, et qui demande s’il est possible de récupérer des soupes en plus, pour sa soeur et ses enfants restés chez elle.